Quiconque ayant étudié sérieusement et objectivement l’islam et sa civilisation, ne peut que reconnaître qu’à travers les différentes époques de l’histoire, les musulmans n’ont cessé de chercher à réaliser et à concrétiser ce principe universel, qui est la liberté religieuse, atteignant en cela les plus hauts degrés de tolérance.
Les citations suivantes démontrent cette vérité :
Gustave Le Bon dit dans son ouvrage La Civilisation des Arabes (p 472) : « Nous avons vu par les passages du Coran cités plus haut que Mahomet montre une tolérance excessive et bien rare chez les fondateurs de religion pour les cultes qui avaient précédé le sien, le judaïsme et le christianisme notamment, et nous verrons plus loin à quel point ses prescriptions à cet égard ont été observées par ses successeurs. Cette tolérance a été reconnue par les rares écrivains sceptiques ou croyants, qui ont eu l’occasion d’étudier sérieusement de près l’histoire des Arabes. Les citations suivantes que j’emprunte à plusieurs d’entre eux montreront que l’opinion que nous professons sur ce point ne nous est nullement personnelle :
Les musulmans sont les seuls enthousiastes qui aient uni l’esprit de tolérance avec le zèle du prosélytisme, et qui prenant les armes, pour propager la doctrine de leur prophète, aient permis à ceux qui ne voulaient pas le recevoir de rester attachés aux principes de leur cultes (Robertson, Histoire de Charles-Quint).
Le Coran qui commande de combattre la religion avec l’épée, est tolérant pour les religieux. Il a exempté de l’impôt les patriarches, les moines et les serviteurs. Mahomet défendit spécialement à ses lieutenants de tuer les moines, parce que ce sont des hommes de prière. Quand Omar s’empara de Jérusalem, il ne fit aucun mal aux chrétiens. Quand les croisés se rendirent maîtres de la ville sainte, ils massacrèrent sans pitié les musulmans et brûlèrent les juifs. (Michaud, Histoire des croisades).
Il est triste pour les nations chrétiennes que la tolérance religieuse, qui est la grande loi de charité de peuple à peuple, leur ait été enseignée par les musulmans. C’est un acte de religion que de respecter la croyance d’autrui et de ne pas employer la violence pour imposer une croyance. (L’abbé Michou, Voyage religieux en Orient) ».
Il dit aussi : « L’habileté politique que déployèrent les premiers successeurs de Mahomet fut à la hauteur de ses talents guerriers qu’ils surent bien vite acquérir. Dès les premiers combats ils se trouvèrent en présence de populations que des maîtres divers tyrannisaient sans pitié depuis des siècles, et qui ne pouvaient qu’accueillir avec joie des conquérants qui leur rendraient la vie moins dure. La conduite à tenir était clairement indiquée, et les khalifes surent sacrifier aux intérêts de leur politique toute idée de conversion violente. Loin de chercher à imposer par la force leur croyance aux peuples soumis, comme on le répète toujours, ils déclarèrent partout vouloir respecter leur foi, leurs usages et leurs coutumes. En échange de la paix qu’ils leur assuraient, ils ne leur imposaient qu’un tribut très faible, et toujours inférieur aux impôts que levaient sur eux leurs anciens maîtres. (…)
La conduite d’Amrou (chef musulman) en Egypte ne fut pas moins bienveillante. Il proposa aux habitants une liberté religieuse complète, une justice impartiale pour tous, l’inviolabilité des propriétés (…). Les habitants se montrèrent tellement satisfaits qu’ils se hâtèrent d’adhérer au traité et payèrent leur tribut d’avance. Les Arabes respectèrent si religieusement les conventions acceptées, et se rendirent si agréables aux populations soumises autrefois aux vexations des agents chrétiens de l’Empereur de Constantinople, que toute l’Egypte adopta avec empressement leur religion et leur langue. C’est là, je le répète, un des résultats qu’on n’obtient jamais par la force. Aucun des peuples qui avaient dominé en Egypte avant les Arabes ne l’avait obtenu. (…) Au contact des Arabes, des nations aussi antiques que celles de l’Egypte ou de l’Inde, ont adopté leurs croyances, leurs coutumes, leurs mœurs, leur architecture même. Bien des peuples, depuis cette époque, ont dominé les régions occupées par les Arabes, mais l’influence des disciples du prophète est restée immuable. »[1]
Il dit dans le même livre : « À leur grande tolérance, les Arabes d’Espagne joignaient des mœurs très chevaleresques. Ces lois de la chevalerie : respecter les faibles, être généreux envers les vaincus, tenir religieusement sa parole, etc., que les nations chrétiennes adoptèrent plus tard, et qui finirent par exercer sur les âmes une action plus puissante que celles de la religion même, furent introduites par eux en Europe »[2].
Dans son livre l’humanisme de l’islam, Marcel Boisard dit : « Dans son sens le plus moderne, la tolérance correspond à une disposition d’esprit ou à une règle de conduite consistant à s’interdire tout moyen coercitif à l’égard de ceux qui ne partagent pas des convictions identiques. Elle n’est pas indifférence, dans la mesure où elle n’implique pas une abstention de manifester des idées ou de les défendre sans violence. Elle exprime, aussi, le respect d’une idée que l’on réprouve, en la considérant cependant comme une contribution à la vérité totale. Dans ce sens, force est de reconnaître que l’Islam a été tolérant sur le plan religieux, et même davantage, puisqu’il respecte et protège les adeptes des révélations divines antérieures »[3] .
Dans son histoire de la civilisation, l’américain Will Durant dit : « Les dhimmis – chrétiens, zoroastriens, juifs et sabéens – jouissaient au temps du califat omeyyade d’un degré de tolérance sans égale dans les pays chrétiens contemporains. Ils pouvaient pratiquer librement les rites de leur religion. Ils ont conservé leurs églises et leurs temples. Rien ne leur a été imposé à l’exception de porter un vêtement de couleur distinctif, et de payer pour chaque personne, un tribut (jizya) de un à quatre dinars par an, selon leur revenu. Cet impôt ne concernait que les non musulmans capables de prendre les armes. Les moines, les femmes, les adolescents, les esclaves, les vieillards, les infirmes, les aveugles et les pauvres en étaient exonérés. En retour, les dhimmis étaient exemptés ou non admis au service militaire, et dispensés de la « zakat ». Ils jouissaient du droit de protection de l’état musulman. Leur témoignage n’était pas admis dans les tribunaux musulmans, par contre, ils jouissaient d’une autonomie juridictionnelle et se soumettaient à leurs propres chefs, juges et lois ».
l’historien Tritton cite : « En atteignant les plus hautes fonctions de l’état, Ibrahim ibn Hilal représente un bon exemple de ce à quoi pouvait aspirer un « dhimmi » » . En effet, du temps des abbassides, plusieurs chrétiens occupèrent, à maintes reprises, le poste de « vizir » (ministre), dont Nasr ibn Haroun en 369H et ‘Issa ibn Nusturs en 380H.
Tritton reconnaît la tolérance des gouverneurs musulmans, il cite : « Il faut reconnaître que l’attitude des gouverneurs (à l’égard de la minorité non musulmane) était souvent meilleure que ce qu’imposait la loi. La multiplication d’édification d’églises et de temples au sein de villes purement arabes en est la preuve. On trouvait toujours des juifs et des chrétiens dans la fonction publique. Plus encore, ils occupaient parfois les plus hauts postes ».
Quant à l’historien Adam Metz, il écrit dans son livre La civilisation islamique au quatrième siècle de l’hégire : « L’une des choses qui nous étonne le plus c’est le grand nombre de grands fonctionnaires non musulmans dans l’état islamique. C’était à croire que les chrétiens étaient ceux qui gouvernaient les musulmans dans la terre d’islam… ».
Dans son livre Juifs en terre d’islam (P.74), Bernard Lewis (historien britannique juif) reconnaît que « Le jugement porté par les juifs sur le comportement des Turcs se révèle presque unanimement favorable. Le plus ancien est contenu dans la fameuse lettre d’Andrinople écrite au cours de la première moitié du XVe siècle par un juif… Il y invite ses coreligionnaires à quitter la chrétienté, où ils n’endurent que souffrances, pour venir en Turquie, où ils trouveront la sécurité et la prospérité : Je sais les terribles malheurs, plus amers que la mort, qui accablent nos frères d’Allemagne, les décrets tyranniques, les baptêmes sous la contrainte et les ordres de bannissements qui sont leur lot quotidien. Lorsqu’ils fuient d’un endroit, me dit-on, un sort plus tragique encore les attend ailleurs… De tous côtés, ce ne sont qu’angoisse de l’âme et tourments du corps ; qu’exactions commises par des oppresseurs sans pitié. Le clergé et les moines, ces faux prêtres, se dressent contre le malheureux peuple de Dieu… Ils ont édicté une loi selon laquelle tout juif découvert à bord d’un navire chrétien qui fait voile vers l’Orient sera jeté à la mer. Hélas ! Comme les Enfants d’Israël sont maltraités en Allemagne ; leurs forces les ont abandonnés ! Ils sont ballotés de-ci de-là, et pourchassés jusque dans la mort… Frères et maîtres, amis et connaissances ! Moi, Isaac Zarfati, bien que d’ascendance française, je suis né en Allemagne où j’ai grandi aux pieds de mes vénérés maîtres. Je vous le dis, la Turquie est un pays d’abondance où, si vous le voulez, vous trouverez le repos. D’ici, la route vous est ouverte vers la Terre sainte. Ne vaut-il pas mieux vivre sous domination des musulmans, plutôt que des chrétiens ? Ici, chaque homme peut mener une existence paisible à l’ombre de sa vigne et de son figuier. Ici, personne ne vous empêchera de porter les plus beaux atours, alors qu’en chrétienté, vous n’osez habiller vos enfants en rouge ou bleu, couleurs que nous affectionnons, de peur de les exposer aux coups et aux insultes, et êtes obligés d’aller et venir misérablement vêtus de couleurs sombres… Ô Israël ! Pourquoi dors-tu ? Lève-toi et quitte ce pays maudit pour toujours ! Il ajoute : « C’est la même opinion que nous retrouvons dans un ouvrage célèbre, Consolation aux tribulations d’Israël, écrit plus d’un siècle après. Son auteur, un juif portugais nommé Samuel Usque, classe les consolations en deux catégories : Les unes humaines, les autres divines. Des consolations humaines, « la plus insigne est la grande Turquie, cette large et vaste mer que Dieu a ouverte avec le bâton de sa miséricorde, comme Il a ouvert la Mer Rouge au temps de l’Exode… Ici, les portes de la liberté restent toujours grandes ouvertes pour ceux qui professent du judaïsme. » » »
A la page 34 du même livre, il dit : « Les premiers siècles du califat virent s’accroître la tolérance. Depuis l’époque du Prophète jusqu’aux immenses empires des Umayyades et des Abbassides, en passant par les premiers califes, on peut dire que l’esprit de tolérance envers les non-musulmans suit indubitablement une courbe ascendante. […] Au cours de la première période, musulmans, chrétiens et juifs, bien que professant des religions différentes, formaient une seule société au sein de laquelle les relations d’amitié, d’affaire, de maître à disciple, et autres allaient de soi et étaient même fort courantes. Nous possédons de nombreux documents qui témoignent de la richesse des échanges intellectuels et culturels entre ces trois communautés. »
Gustave Lebon dit : « Les Arabes auraient facilement pu être aveuglés par leurs premières conquêtes et maltraiter leurs opposants ou les forcer à embrasser l’islam, qu’ils souhaitaient répandre à travers le monde. Mais ils évitèrent cela. Les premiers califes, qui possédaient un génie politique que l’on retrouve rarement chez les adhérents aux nouvelles religions, avaient compris que la religion et les systèmes de pensée ne s’imposent pas par la force. Alors, ils traitèrent les peuples de Syrie, d’Égypte, d’Espagne et de tous les pays dont ils prirent le contrôle avec beaucoup de considération, comme on a pu le voir. Ils leur permirent de conserver intactes leurs lois, leurs règles et leurs croyances et ne leur imposèrent que la jizya, qui était d’un montant dérisoire lorsque comparé à ce qu’ils avaient dû payer comme taxes, auparavant, en échange de leur sécurité. La vérité est que jamais les nations n’avaient connu de conquérants plus tolérants que les musulmans ni de religion plus tolérante que l’Islam »[4].
Moncef ZENATI
[1] – Dr Gustave LE BON médecin et Sociologue Français, La Civilisation des Arabes – Ed Le Sycomore/SFIED (Paris) – Réédition de 1985. p 81, 82
[2] Ibid, Livre troisième, chapitre sixième, Les Arabes en Espagne, p 213
[3] – Marcel A. Boisard, l’Humanisme de l’Islam, p 197
[4] – Gustave Lebon, La civilisation des Arabes, p 154