L’islam n’a pas instauré des lois textuelles pour toute chose. Il a exposé et détaillé certaines choses, textuellement. Il a indiqué des choses d’une manière sommaire et s’est tu à propos d’autres.
Le Prophète (ﷺ) dit : « Ce que Dieu a autorisé dans Son Livre est déclaré licite et ce qu’Il y a interdit est prohibé. Tout ce dont à propos de quoi Il s’est tu, veut dire qu’Il l’a pardonné. Acceptez de Dieu Son pardon car Dieu n’est pas de nature à oublier quelque chose » Puis, le Prophète (ﷺ) récita : « Et ton seigneur n’est nullement oublieux » (Marie : 64) »[1].
Ainsi, l’islam a laissé un domaine libre de toute prescription appelé « le domaine du pardon divin » (mantiqatul-‘afwi), cette appellation est tirée du hadith précité.
Dans un autre hadith, le Prophète (ﷺ) précise que ce domaine vide de toute prescription est une miséricorde et une largesse divine : « Dieu a prescrit des devoirs, ne les négligez pas ! Il a fixé des limites, ne les outrepassez pas ! Il a prohibé certaines choses, ne les transgressez pas. Il s’est tu au sujet de certaines choses par miséricorde à votre égard, non par oubli, ne cherchez pas à les connaître »[2].
L’expression « ne cherchez pas à les connaître » s’adresse exclusivement aux compagnons pendant l’époque de la révélation, afin que leurs recherches et questions ne provoquent pas des difficultés supplémentaires, en faisant accroître les prescriptions en matière de devoirs et d’interdictions. C’est pour cette raison qu’il dit dans l’autre hadith : « Tant que je me tais sur une question, ne m’interrogez pas là-dessus »[3].
Ce champ concerne particulièrement les domaines sujets au changement et à l’évolution en fonction de l’environnement, du temps, des situations et du contexte, à l’instar des considérations politiques, administratives, et procédurières.
Combler ce « vide juridique » volontairement non codifié par les textes revient aux moujtahids tant que ceux-ci en ont les compétences requises, par le biais des sources législatives que sont le raisonnement par analogie (qiyâs), le choix préférentiel (istihsân), l’intérêt général indéterminé (al-maslaha al-mursala) et l’usage (al-‘urf), exposées dans les ouvrages consacrés à la science des fondements du droit musulman.
Dans certains domaines, l’islam énonce la loi d’une manière générale, en posant le principe et la règle, en posant le cadre général et en laissant les détails et les modalités aux hommes afin de choisir la forme la plus appropriée au contexte et la plus à même de réaliser leurs intérêts.
Par exemple, la consultation (shûra), les textes du Coran et de la Sunna établissent le principe : « … se consultent entre eux à propos de leurs affaires » 42 : 38), « Et consulte-les à propos des affaires » (3 : 159).
Le Prophète (ﷺ) a consulté ses compagnons à maintes reprises, mais les textes n’ont pas apporté de détails. De quoi est formé le conseil consultatif ? Comment choisir ses membres ? Qui les choisit ? Pour quelle durée ? Quels sont les sujets soumis à la consultation ? Faut-il se contenter de l’avis de la majorité ou le consensus est-il exigé ?
La législation n’a pas imposé une forme précise qui pourrait être valable à une époque mais pas à une autre, dans une région mais pas dans une autre, dans un contexte mais pas dans un autre.
Quand les textes exposent-ils les détails ?
La plupart des textes renferment des principes généraux à portée générale, sans aborder les détails et les modalités sauf pour ce qui est immuable en dépit du changement, du lieu ou de l’époque, à l’instar du culte, du mariage, du divorce, du droit successoral et des questions relatives à la famille. En effet, pour ce qui est immuable, la législation l’a traité d’une manière détaillée, par mesure de prévention contre l’innovation et la déformation en matière de culte, mais aussi pour éviter les disputes et les litiges en ce qui concerne la famille : elle vise ainsi la stabilité de ces deux domaines (le culte et la famille) qui sont les plus importants et les plus graves dans cette vie.
Dieu dit dans le dernier verset de la sourate « Les femmes » qui concerne le droit successoral : « Allah vous donne des explications pour que vous ne vous égariez pas. Et Allah est Omniscient » (4 : 176).
Par miséricorde, les prescriptions que Dieu a détaillées sont de deux types :
Le premier : des prescriptions détaillées par des textes catégoriques, dont l’authenticité est formellement établie et dont la signification est catégorique. Les prescriptions catégoriques sont peu nombreuses, mais elles sont d’une importance capitale. (En effet elles unifient la communauté et concrétisent son unité pratique et comportementale, en plus de son unité dogmatique et spirituelle).
Le second : des prescriptions détaillées par des textes conjecturaux au niveau de l’authenticité ou de la signification ou aux deux niveaux à la fois. C’est le cas de la plus grande partie des prescriptions, offrant ainsi la possibilité à des interprétations diverses.
[1] -Rapporté par al-Bazzâr
[2] – Rapporté par ad-Dârâqutnî
[3] – rapporté par Muslim, Ahmed et an-Nasa-y