Les quatre Califes respectèrent religieusement les enseignements du Prophète (ﷺ). Ils affirmèrent la liberté religieuse et interdirent toute idée de conversion violente. Ils s’attachèrent à respecter la foi, les usages et les coutumes des populations non musulmanes.
Du temps d’Abû Bakr
Lorsqu’Abû Bakr envoya Ûsâma ibn Zayd à la tête d’une armée pour affronter les byzantins, il lui ordonna de ne pas s’en prendre à ceux qui pratiquaient les rites de leurs religions dans leurs lieux de culte. Il lui dit : « Tu trouveras des gens qui se sont consacrés à l’adoration dans leurs monastères. Laisse-les à ce pourquoi ils se sont consacrés ».
Dans le pacte ratifié avec les habitants de Damas, Khâlid ibn al-Walîd, sous le califat d’Abû Bakr, déclara : « Leur accorder la sécurité concernant leur vie, leurs biens, leurs églises, les murailles de leur ville, elles ne seront pas détruites, et leurs maisons ne seront pas habitées, ils bénéficient pour cela du pacte de Dieu, de la protection du Messager de Dieu (ﷺ) et de la protection des Califes et des croyants, il ne leur sera fait que du bien ».
Dans le pacte ratifié avec les habitants de ‘Ânât (en Syrie), Khâlid ibn al-Walîd déclara : « Il leur appartient de faire retentir leurs cloches à toute heure, de nuit comme de jour, sauf aux moments des Prières (musulmanes), et de sortir leurs croix pendant leurs jours de fêtes »[1].
Aux habitants d’al-Hîra, en Iraq, Khâlid ibn al-Walîd consigna par écrit : « Tout homme âgé n’ayant plus la force de travailler, ou ayant été atteint d’une quelconque maladie, ou ayant perdu sa fortune et tombé dans le besoin au point que ses coreligionnaires lui fassent l’aumône, sera exonéré de l’impôt (jizya) et vivra à la charge de la trésorerie musulmane, lui et sa famille »[2].
Du temps de ‘Umar ibn al-Khattâb
Le pacte ratifié aux habitants de Jérusalem énonce : « Voici ce que garantit le Serviteur de Dieu, `Umar, Commandeur des Croyants, aux habitants d’Îlyâ (Jérusalem) en termes de sécurité. Il leur garantit la sécurité de leurs personnes, de leurs biens, de leurs églises et de leurs croix, le malade d’entre eux comme le bien-portant, ainsi qu’à toute leur communauté. Leurs églises ne seront ni investies ni détruites. Rien ne leur sera ôté, ni à leurs propriétés, ni à leurs croix, ni à leurs biens. Ils ne seront pas convertis malgré eux et nul d’entre eux ne sera opprimé. »[3]
Cette tolérance religieuse se manifesta lorsque le patriarche Sophronius accueillit le Calife ‘Umar dans l’église du Saint-Sépulcre (de la Résurrection) et lui remit les clés de la cité. Quand le moment de la Prière du Dhuhr arriva, le patriarche proposa à ‘Umar de prier dans l’église, mais ce dernier refusa et alla prier dehors car il craignit que les générations futures ne prennent le prétexte d’une Prière de sa part à l’intérieur de l’église pour la transformer en mosquée.
Le Calife ‘Umar ordonna qu’une allocation permanente puisée de la trésorerie musulmane soit versée à un juif et à ses enfants, puis il récita le verset coranique : « Les aumônes ne sont destinées qu’aux pauvres et aux nécessiteux » (9 : 60), et dit : « et celui-ci fait partie des nécessiteux parmi les gens du Livre »[4].
Un jour, ‘Umar aperçut un vieux juif mendier. Il lui en demanda la raison. Il eut connaissance que la vieillesse et le besoin l’y poussèrent. ‘Umar l’emmena au responsable de la trésorerie musulmane et lui ordonna de lui verser, ainsi qu’aux gens de condition similaire une allocation leur permettant de pourvoir à leurs besoins et vivre convenablement. Puis il dit : « Nous ne serions pas justes envers lui si nous lui prélevions un tribut pendant sa jeunesse et que nous l’abandonnions pendant sa vieillesse »[5].
En entrant à Damas, il vit des chrétiens atteints de la lèpre. Il ordonna de leur octroyer une allocation versée de la trésorerie musulmane[6].
Un jour, une femme âgée non-musulmane se rendit auprès du Calife ‘Umar pour un besoin. Voyant son âge avancé, ‘Umar l’exhorta à se convertir à l’islam, mais la femme refusa. Aussitôt après, ‘Umar regretta son attitude et eut peur que son invitation à l’islam, alors qu’il était le Commandeur des Croyant, soit perçue comme une forme de contrainte. Il s’adressa alors à Dieu en disant : « Seigneur Dieu ! J’ai orienté et non pas contraint ! »[7]
Par ailleurs, ‘Umar avait l’habitude de questionner les arrivants des différentes régions au sujet des gens du Livre, comme il les questionnait au sujet des musulmans, des gouverneurs et des juges.
La conduite de ‘Amr ibn al-‘Âs en Egypte ne fut pas moins bienveillante. Il proposa aux habitants une liberté religieuse complète, une justice impartiale pour tous, l’inviolabilité des propriétés[8].
Lorsque les moines coptes prirent connaissance que ‘Amr ibn al-‘Âs garantissait la liberté religieuse, ils sortirent des couvents dans lesquels ils s’étaient réfugiés pour fuir les persécutions des byzantins, et se rendirent auprès de ‘Amr pour annoncer leur adhésion au traité. Le patriarche Benjamin s’était lui aussi réfugié dans le Sa’îd égyptien pour les mêmes raisons. Sachant l’attachement des coptes au patriarche, ‘Amr voua à ce dernier une considération particulière dans le traité ratifié à tous les coptes. Il y énonça : « Que le patriarche vienne, il sera en sécurité, lui et ceux qui habitent l’Egypte, ainsi que ceux qui habitent ailleurs. Aucun mal ne leur sera fait et le pacte de leur protection ne sera pas violé ». Le patriarche sortit de sa cachette et entra en Alexandrie tel un victorieux, sous les acclamations des coptes. Après s’être réuni avec ‘Amr, il s’assura de la sincérité de la politique tolérante de ce dernier et dit aux coptes : « Je suis de retour dans mon pays l’Alexandrie, j’y ai trouvé une sécurité contre la peur, et une tranquillité après les calamités. Dieu a éloigné de nous les sévices des infidèles et leur mal »[9].
Du temps de ‘Uthmân ibn ‘Affân
Dès son investiture, ‘Uthmân commanda à ses gouverneurs la bienfaisance envers les minorités religieuses protégées. Il dit dans la première missive qu’il leur envoya : « Donnez aux dhimmîs ce qui leur revient de droit, et prélevez ce qu’ils doivent ». Dans la deuxième missive adressée aux percepteurs des impôts, il écrivit : « Ne soyez jamais injuste envers l’orphelin ni envers le bénéficiaire du pacte (mu’âhid). Dieu est l’adversaire de quiconque leur fait subir une injustice »[10].
Du temps de ‘Alî ibn Abî Tâlib
‘Alî fit la même chose avec ses gouverneurs. Il envoya une missive à al-Ashtar dans laquelle il dit : « ne trahis pas la garantie de protection, n’omets rien de ton engagement et ne t’isole pas avec un ennemi. Seul un ignorant malheureux fait preuve d’impudence envers Dieu. Or, Dieu a fait de Sa garantie et de Sa protection une sécurité répandue entre Ses serviteurs.
Il dit au sujet des non musulmans vivant en terre d’islam : « Ils n’ont payé un tribut que pour que leurs biens soient comme nos biens, et leurs vies comme nos vies ».
Cette liberté religieuse était scrupuleusement respectée chez les tous les compagnons. Lorsque la mère de al-Hârith ibn Abî Rabî’a, qui était chrétienne, décéda, les compagnons du Prophète (ﷺ) accompagnèrent son cortège funèbre.
Moncef ZENATI
[1] – ghayrul-muslimîn fil-mudjtama’il-islâmî de Dr. Yûsuf al-Qaradâwî p 20.
[2] – al-khraâj d’Abû Yûsuf, p144.
[3] – târîkh at–Tabarî, 3/609.
[4] – al-kharâj d’Abû Yûsuf, p 26.
[5] – Ibid p 126.
[6] –futûh al-buldân d’al-Balâdhurî, p 177.
[7] – nidhâm al-hukm ar-râshidî, p 179.
[8] – La Civilisation des Arabes de Gustave Lebon, p 81 – 82.
[9] – Rapporté par Abû Dâwûd et al-Bayhiqî.
[10] – nidhâm al-hukm fî ‘ahd al-khulafâ ar-râshidîn, p 177.