L’islam est la religion de la fraternité et de la justice. Il est venu réaliser des objectifs sublimes sur Terre, à savoir, faire en sorte que les êtres humains ressentent qu’ils sont tous des frères.
Mais l’islam ne s’est pas contenté d’établir ce principe d’une manière théorique. Il ne s’est pas contenté de dire à chaque homme « voici ton frère » puis qu’il soit abandonné à lui-même ! Il ne peut exister de fraternité lorsque certains dorment le ventre plein alors que d’autres n’ont pas de quoi apaiser leur faim ; lorsque certains portent les plus beaux habits pendant que d’autres n’ont pas de quoi se vêtir. La véritable fraternité se réalise quand elle produit l’entraide et la solidarité, de façon à ce que le plus fort soutienne le plus faible, que le plus riche vienne en aide au plus pauvre et que chacun soit attentif au besoin de son prochain. Telle est la véritable fraternité !
C’est pourquoi les lois et les enseignements de l’islam sont venus doter les pauvres et les indigents de l’indispensable. Dieu a ainsi instauré la Zakât, le troisième pilier de l’islam, représentant la part des pauvres prélevée des biens des plus riches.
Par ailleurs, l’islam ne s’est pas contenté de la zakât pour lutter contre la pauvreté. Au contraire, il a profité de plusieurs occasions pour pousser le plus riche à aider le plus pauvre, et le fortuné à faire preuve de compassion envers le démuni. En effet, lorsque l’homme prononce le « dhihâr » (dire à son épouse : « tu es pour moi comme le dos de ma mère ») à l’encontre de son épouse, l’islam lui interdit tout rapport charnel avec elle à moins qu’il ne libère un esclave ; s’il n’en trouve pas, qu’il jeûne deux mois consécutifs ; et s’il est dans l’incapacité de jeûner, il devra nourrir soixante pauvres. S’il interrompt le jeûne du mois de Ramadan, volontairement et sans motif valable, il devra s’acquitter d’une expiation, la meilleure option (selon les malikites) étant de nourrir soixante pauvres. En cas de parjure, une expiation sera également exigée : nourrir dix pauvres, les vêtir ou affranchir un esclave. Dans l’incapacité d’accomplir l’une de ces trois options, jeûner trois jours.
En islam, nourrir les pauvres est une obligation religieuse. Quiconque est indifférent au besoin du pauvre, alors qu’il est en mesure de le nourrir et de le vêtir, empreinte une voie menant à l’Enfer. Dieu nous parle des gens de l’Enfer à qui l’on posera la question : « « Qu’est-ce qui vous a acheminés à Saqar ? » Ils diront : « Nous n’étions pas de ceux qui faisaient la Salât, et nous ne nourrissions pas le pauvre » » (74 : 42- 44).
Chaque être humain a envers le pauvre deux devoirs :
Le premier : le nourrir, le vêtir et pourvoir à ses besoins dans la mesure du possible.
Le second : inciter autrui à le faire.
A défaut, il ne sera pas considéré comme un véritable croyant et ne sera pas compté du nombre de ceux qui croient au Jour du Jugement dernier, car si celui-ci croyait vraiment au jugement et à la rétribution, sa croyance l’aurait incité à nourrir les pauvres. Dieu dit : « Vois-tu celui qui traite de mensonge la Rétribution ? C’est bien lui qui repousse l’orphelin, et qui n’encourage point à nourrir le pauvre. » (107 : 1 – 3).
Dieu nous parle de ceux qui recevront leur registre des actions dans leur main gauche et qui diront : « Hélas pour moi ! J’aurai souhaité qu’on ne m’ait pas remis mon livre, et ne pas avoir connu mon compte… Hélas, comme j’aurai souhaité que [ma première mort] fût la définitive. Ma fortune ne m’a servi à rien. Mon autorité est anéantie et m’a quitté ! » (69 : 25 – 29).
Dieu prononcera alors Son jugement en toute équité et dira à Ses anges : « Saisissez-le ! Puis, mettez-lui un carcan ; ensuite, brûlez-le dans la Fournaise ; puis, liez-le avec une chaîne de soixante-dix coudées » (69 : 30 – 32).
Quel est le motif de cette sanction ? « car il ne croyait pas en Allah, le Très Grand. Et n’incitait pas à nourrir le pauvre. » (69 : 33 – 34).
L’instauration de la zakât reflète l’extrême attention que l’islam a accordée aux pauvres et aux indigents. Elle correspond à la part déterminée des biens que Dieu a ordonné de payer et de dépenser en faveur de ses ayants droit, et constitue le troisième pilier de l’islam.
Dieu a incité les musulmans à s’acquitter de la zakât en indiquant son effet sur leurs âmes. Il dit : « Prélève de leurs biens une sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis » (9 : 103). Dieu fait de l’acquittement de la zakât une caractéristique des pieux en disant : « Les pieux seront dans des jardins et parmi des sources, recevant ce que leur seigneur leur a donné. Car ils ont été auparavant des bienfaisants : ils dormaient peu la nuit et aux dernières heures de la nuit, ils imploraient le Pardon d’Allah et dans leurs biens, il y avait un droit au mendiant et au démuni » (51 : 15-19).
Le Prophète (ﷺ) dit : « Un bien ne peut être diminué par une aumône ». (Rapporté par at-Tirmidhî).
Dieu met en garde contre le refus de s’acquitter de la zakât en infligeant trois types de sanctions :
- Une sanction relative à l’au-delà :
Dieu dit : « À ceux qui thésaurisent l’or et l’argent et ne les dépensent pas dans le sentier d’Allah, annonce un châtiment douloureux, le jour où (ces trésors) seront portés à l’incandescence dans le feu de l’Enfer et qu’ils en seront cautérisés, front, flancs et dos : « Voici ce que vous avez thésaurisé pour vous-mêmes. Goûtez de ce que vous thésaurisiez » » (9 : 34-35).
Le Prophète (ﷺ) dit : « Chaque fois que celui qui possède de l’or et de l’argent ne s’acquitte pas de l’aumône (zakât) qui se doit, on lui en fabriquera le Jour de la Résurrection des plaques de feu qu’on chauffera encore plus au feu de l’Enfer. On lui brûlera avec elles son côté, son front et son dos. Dès qu’elles se refroidissent on les reportera pour lui en Enfer dans une journée évaluée à cinquante mille ans jusqu’à la fin du jugement. Il voit alors sa voie, ou bien au Paradis, ou bien en Enfer » (Rapporté par al-Bukhâri et Muslim).
- Une sanction relative à ce bas monde infligée par décret divin :
Le Prophète (ﷺ) dit : « Chaque fois qu’un peuple s’abstient de s’acquitter de la zakât, Dieu les éprouve par la famine et la disette » (Rapporté par al-Hâkim, al-Bayhaqî et at-Tabarânî). Il dit dans un autre hadîth : « … et chaque fois qu’ils s’abstiennent de s’acquitter de la zakât, ils seront privés de la pluie et si ce n’était pas pour les bêtes, on ils n’auraient jamais eu de pluie » (Rapporté par al-Hâkim, Ibn Mâjah, al-Bazzâr et al-Bayhaqî).
- Une sanction infligée par le gouverneur musulman à quiconque refuse de s’acquitter de la zakât :
Le Prophète (ﷺ) dit : « … Celui qui la donne en espérant la récompense divine sera rétribuée en conséquence. Quant à celui qui refuse de la donner, nous la lui prendrons ainsi que la moitié de ses biens » (Rapporté par Ahmad, an-Nasâ-î, Abû Dâwûd, et al-Bayhaqî). Les jurisconsultes (fuqahâ) divergent : est-il permis de sanctionner quiconque refuse de s’acquitter de la zakât par la saisie de la moitié de ses biens ? Les hanbalites le permettent. La majorité des jurisconsultes l’interdisent considérant que la sanction financière fait partie des sanctions relevant des prérogatives de l’imam (au sens de responsable politique).
Les finalités de la zakât et son impact
Objectif de la zakât pour celui qui la verse
1- La zakât purifie celui qui s’en acquitte de l’avarice et le libère de l’asservissement à l’argent. Or, il s’agit là de deux maladies parmi les maladies psychologiques les plus graves provoquant l’abaissement et la détresse de l’homme. C’est pour cette raison que Dieu dit : « Quiconque se prémunit contre sa propre avarice, ceux-là sont ceux qui réussissent » (59 : 9). Le Prophète (ﷺ) dit : « Malheureux est l’esclave du dirham, malheureux est l’esclave des habits luxueux… » (Rapporté par al-Bukhârî).
2- La zakât constitue une initiation à l’action de dépenser dans la voie de Dieu. Par ailleurs, Dieu a mentionné cette action de dépenser dans la voie de Dieu comme faisant partie des qualités inhérentes aux pieux, dans leurs moments d’aisance comme dans leurs moments de difficulté, dans ce qu’ils font secrètement ou ouvertement. Dieu a associé la zakât à leurs principales qualités d’une manière absolue. Il l’a associée à la croyance à l’invisible, à l’imploration du Pardon divin dans les dernières heures de la nuit, à la patience, à la véracité, à l’obéissance. Nul ne pourrait parvenir au niveau de dépenser avec largesse dans la voie de Dieu, seulement s’il s’habitue à s’acquitter de la zakât qui correspond au seuil minimum de dépense obligatoire.
3- La zakât est une forme de gratitude vis-à-vis de Dieu pour Ses bienfaits, un remède contre l’amour excessif de ce bas monde et une purification de l’âme. Dieu dit : « Prélève de leurs biens une sadaqa par laquelle tu les purifies et les bénis » (9 : 103). La zakât présente également une purification et un accroissement pour le bien matériel. Dieu dit : « Et toute dépense que vous faites dans le bien, Il la remplace et c’est Lui le Meilleur des donateurs » (34 : 39).
Objectif de la zakât pour celui qui la reçoit
1- La zakât affranchit celui qui la reçoit du besoin, qu’il s’agisse d’un besoin matériel – nourriture, vêtement, logement – d’un besoin d’ordre psychologique et vital – le mariage – ou d’ordre moral et intellectuel tel que les livres de sciences, car la zakât est redistribuée pour répondre à tous ces besoins. De cette manière, le pauvre pourra contribuer à ses obligations sociales en ressentant qu’il représente un élément actif au sein de la société, au lieu d’être préoccupé par la recherche d’une bouchée, absorbé par les soucis de la vie.
2- La zakât purifie celui qui la reçoit de la jalousie et de la haine, car lorsque le nécessiteux voit autour de lui des gens menant une vie d’aisance et d’opulence sans lui venir en aide, son cœur est rarement épargné par la jalousie, par le ressentiment ou la haine à leur encontre et à l’encontre de toute la société, provoquant ainsi la rupture des liens de fraternité, la disparition des sentiments d’affection et le déchirement de l’unité de la société.
Par ailleurs, la jalousie et la haine sont des fléaux qui rongent l’individu sur les plans psychologique et physique, provoquant de nombreuses maladies telles que l’ulcère ou l’hypertension. Elles représentent également des fléaux au sein de toute la société. C’est pour cette raison que le Prophète (ﷺ) a mis en garde contre ces deux défauts en disant : « La maladie des peuples qui vous ont précédé vous est parvenue : la jalousie et la haine. La haine est celle qui rase. Je ne dis pas qu’elle rase les cheveux, mais elle rase la religion » (Rapporté par al-Bazzâr et par al-Bayhaqî).
Objectifs de la zakât et son impact sur la société
Parmi les avantages de la zakât en islam, c’est qu’elle constitue à la fois un acte d’adoration et une organisation sociale. En tant qu’organisation, elle a besoin pour son exécution de fonctionnaires dont la mission est de la prélever des riches pour la redistribuer à ses bénéficiaires légaux. Ces fonctionnaires forment le dispositif administratif de la zakât et perçoivent leurs salaires de ces fonds. Puisque la zakât correspond à une partie de l’organisation de la société musulmane, ses impacts sur cette société sont multiples, synthétisés de la façon suivante :
1- La Zakât fut la première législation organisée qui a assuré la sécurité sociale d’une façon parfaite et complète. L’imam az-Zuhrî (décédé en 124h) a écrit au Calife Umar ibn ‘Abd al-‘Azîz au sujet de la zakât : « … Elle doit être destinée au malade atteint d’une maladie chronique, à l’infirme, à chaque pauvre atteint d’une maladie ou d’une infirmité qui l’empêche de subvenir à son besoin, aux pauvres qui mendient, aux prisonniers musulmans qui n’ont plus personne, aux pauvres qui se rendent aux mosquées et qui n’ont aucune ressource, à celui qui a été frappé par la pauvreté en étant endetté et à tout voyageur qui n’a aucun abri ni famille vers qui aller… ».
2- La zakât joue un rôle important dans la stimulation de l’économie, car si le musulman thésaurise son argent, il sera dans l’obligation de payer chaque année la zakât d’un montant équivalant au minimum à 2,5%, ce qui provoquera à terme son épuisement. Aussi, il tient à le fructifier par le commerce afin de payer la zakât sur les bénéfices et par conséquent l’argent passe d’un état de thésaurisation à celui de la circulation monétaire. L’économie est ainsi stimulée et la communauté tire profit de l’ensemble de toutes ses richesses.
3- La zakât contribue à réduire l’écart entre les différentes classes sociales : l’islam reconnaît la différence des richesses car c’est la conséquence de la différence des prédispositions et des compétences, mais il refuse que les gens soient divisés en deux catégories : une catégorie vivant dans l’opulence et une autre dans la détresse. L’islam tient à ce que les pauvres partagent l’aisance des riches et tient à leur octroyer de quoi répondre à leurs besoins. La zakât fait partie des nombreux moyens que l’islam utilise pour parvenir à cette fin.
4- La zakât joue un rôle considérable dans l’éradication de la mendicité, dans la réconciliation entre les gens, même si les réconciliateurs sont amenés à supporter des charges financières, car il est possible de payer ces charges des fonds de la zakât.
5- La zakât contribue à présenter une alternative islamique aux sociétés d’assurances commerciales qui certes prélèvent de l’individu une petite somme mais permettent à leurs riches propriétaires de réaliser de grands bénéfices. Quant à la zakât, celle-ci est prélevée des riches pour être redistribuée aux plus affligés parmi les pauvres. Et la différence entre les deux est de taille.
6- La zakât joue un grand rôle dans l’encouragement des jeunes au mariage et ce, à travers l’aide qu’elle leur procure en vue de couvrir leurs dépenses. D’ailleurs, les jurisconsultes (fuqahâ) stipulent que quiconque n’ayant pas la capacité de se marier à cause de sa pauvreté, bénéficie de la zakât de manière à l’aider dans cette voie, car ceci fait partie de l’indispensable vital.
Moncef Zenati