Selon la représentation fantasmatique que s’est forgé l’imaginaire occidental, Mohammad (ﷺ) serait un homme à femmes sous prétexte qu’il en épousa plusieurs.
Analysons cette controverse en apportant des arguments rationnels loin de toute réaction émotionnelle.
Commençons tout d’abord par cette question simple : le Prophète Mohammad (ﷺ) est-il le seul prophète à avoir pratiqué la polygamie ? Ou d’autres prophètes l’ont-ils pratiquée avant lui ?
Dans son livre La femme entre le droit musulman et le droit positif , le professeur Moustapha as-Siba’i dit avoir visité, lors de son voyage en Irlande dans les années cinquante, le centre des Jésuites. Il rencontra le Père, directeur du Centre, et lors de leur conversation, ils abordèrent le Prophète (ﷺ). Le Père dit alors : « Nous, en occident, nous ne pouvons respecter un homme qui a eu neuf femmes ». Le professeur as-Siba’i répondit alors calmement : « D’accord ! Vous dites que vous n’avez pas de respect pour un homme qui a eu neuf femmes ! Respectez-vous David et Salomon ? » « Bien sûr » répondit le Père « Il s’agit de prophètes de la Bible ». As-Siba’i dit : « Ne sais-tu pas que David avait cent femmes et que Salomon en avait mille ?». Le père acquiesça. As-Siba’i dit alors : « Comment peux-tu respecter des hommes ayant eu cent et mille femmes et ne pas respecter un homme qui n’en a eu que neuf ?». Le Père se tut alors, puis lui présenta ses excuses.
Il paraît alors évident que le Prophète Mohammad (ﷺ) n’est pas le seul prophète à avoir eu plusieurs femmes, pourquoi donc un tel acharnement sur lui en particulier ?
Deuxièmement, analysons les différentes phases de sa vie conjugale.
La première phase : jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, le Prophète (ﷺ) était alors célibataire et n’avait point connu de femmes, ce qui n’était pas habituel dans un environnement où la prostitution était répandue sans être réprouvée.
Deuxième phase : de vingt-cinq à cinquante ans. Le Prophète (ﷺ) fut marié à une seule femme qui était son aînée de quinze ans, déjà mariée à deux reprises avant lui et avait eu des enfants des deux précédentes unions. Le Prophète (ﷺ) vécut avec elle durant vingt-cinq ans sans penser à se remarier bien qu’il était à un âge où les passions sont les plus ardentes, et que la polygamie était répandue en Arabie sans aucune répréhension.
La troisième phase : entre cinquante et cinquante-deux ans. Triste, le Prophète (ﷺ) demeura sans mariage par amour et fidélité pour Khadija, que Dieu l’Agrée.
La quatrième phase : de cinquante-deux ans à soixante ans. Le Prophète (ﷺ) épousa plusieurs femmes pour des raisons politiques, stratégiques, sociales et humanistes. La première femme qu’il épousa fut Sawda bintou Zam’a, une femme très âgée, plus âgée que Khadija. Le Prophète aurait-il agi par pure passion ? Cette hypothèse est vraisemblablement à exclure. Sawda fut la première femme veuve de la nouvelle ère islamique, son mari mourut lors du retour de la première immigration en Abyssinie. Sa famille n’était pas musulmane. Qui pouvait prendre en charge cette pauvre femme sans défense ? Qui pouvait épouser une femme âgée ? Il fallait être prophète pour le faire. Ainsi, les détracteurs du Prophète (ﷺ) le dénigrent dans ce qui fait sa grandeur.
De plus, serait-il sensé que la passion du Prophète (ﷺ) pour les femmes ne se soit manifestée qu’après l’âge de cinquante-deux ans ? Et de quel plaisir s’agit-il pour un homme qui n’a pas connu un seul jour de repos ; pris constamment par ses différentes responsabilités au plus haut niveau de l’Etat musulman ? Certains seront tentés de penser que la multitude d’épouses rime avec le bien-être matériel, le luxe et la vie d’aisance à l’instar des palais royaux de l’époque. Or, la vie du Prophète (ﷺ), était toute autre. La « Sira » nous fait découvrir le Prophète (ﷺ) comme un homme qui a constamment connu une vie dure et rude. Sa vie aux côtés de ses épouses fut une vie difficile, ascète et insupportable pour un grand nombre. ‘Aïsha, que Dieu l’agrée, dit : « Il nous arrivait d’observer la nouvelle lune, puis la suivante, trois nouvelles lunes en deux mois sans qu’aucun feu ne soit allumé dans les foyers du Prophète (ﷺ) ». « De quoi viviez-vous alors ? » lui demanda son neveu ‘Ourwa ibn az-Zoubeïr lui. Elle répondit : « De dattes et d’eau ».
La cinquième phase : de soixante à soixante-trois ans. En lui révélant « Il ne t’est plus permis désormais de prendre d’autres femmes » (Coran s 33 v 52), Dieu lui interdit de se marier à nouveau.
D’après toutes ces phases, il paraît évident que les différents mariages du Prophète (ﷺ) n’ont guère été motivés par une soi-disant passion ardente qu’il éprouvait pour les femmes. La question qui s’impose alors à nous est : quelles étaient les raisons de ces mariages ?
Le Prophète (ﷺ) s’est marié avec plusieurs femmes pour différentes raisons.
La communication de l’Islam
Il était indispensable qu’un groupe de personnes puisse transmettre les différents détails de la vie quotidienne du Prophète (ﷺ), chez lui, avec ses épouses… Qui nous a transmis sa manière d’accomplir le « ghosl » (les grandes ablutions), ou également l’attitude que doit adopter le mari avec son épouse indisposée ? Et d’autres détails que seules les épouses du Prophète (ﷺ) pouvaient connaître. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Prophète (ﷺ) épousa ‘Aïsha, que Dieu l’agrée. Malgré son jeune âge, elle fut la seule femme à ne pas avoir connu le mariage auparavant « bikr », et pourtant elle ne lui donna aucun enfant. Elle était prédestinée à se consacrer entièrement au savoir et à la transmission du savoir. D’ailleurs, elle vécut quarante-deux ans après la mort du Prophète (ﷺ) et pendant ces années elle ne cessa de diffuser son savoir. En relatant deux mille-deux-cent-dix hadiths, elle prend la quatrième place des compagnons qui ont transmis le plus de hadiths prophétiques.
L’unité et la stabilité de l’Etat après la mort du Prophète (ﷺ)
Les quatre hommes qui succéderont au Prophète (ﷺ) en devenant califes sont Abou Bakr, ‘Omar, ‘Othman et ‘Ali, que Dieu les agrée, les quatre piliers centraux de l’Etat musulman. Il fallait donc créer un lien qui les unirait au Prophète (ﷺ) et qui les unirait les uns aux autres. C’est dans ce sens que le Prophète (ﷺ) épousa ‘Aïsha , fille de Abou Bakr, et Hafsa, fille de ‘Omar, et il maria sa fille Fâtima à ‘Ali, sa fille Rouqayya à ‘Othman, et lorsque celle-ci décéda, il lui maria son autre fille Oum Kalthoum, que Dieu les agrée tous.
Des raisons sociales : faire preuve de compassion envers les veuves
Le Prophète (ﷺ) s’employait à ne laisser aucune veuve seule, il essayait de la remarier. C’était le seul moyen de les prendre efficacement en charge. C’est ainsi qu’il se maria avec Oummou salama, une femme âgée avec des enfants, et Sawda comme nous l’avons évoqué ci-dessus, que Dieu les agrée toutes deux.
Des raisons politiques
Le Prophète (ﷺ) se maria avec Oummou Habiba, que Dieu l’agrée, lorsque le mari de celle-ci décéda. Oummou Habiba était la fille d’Abou Soufiane, le chef de Qouraysh. Laisser cette femme noble épouser n’importe quel musulman aurait été vécu par Abou Sofiane comme une humiliation et un affront. D’ailleurs, Abou Soufiane accepta volontiers ce mariage et pour le Prophète (ﷺ), ce fut une façon d’adoucir le cœur d’Abou Sofiane, farouche détracteur des musulmans. De même, le Prophète (ﷺ) épousa Safiyya, que Dieu l’agrée, fille de Houyay qui était considéré comme le roi des juifs. Il fallait donc honorer cette dame.
L’humanisme
Le Prophète (ﷺ) épousa Jouwayriya bintoul-Harith, que Dieu l’agrée. Son père était le chef de la tribu des Banou al-Moustaliq. Sa lutte acharnée contre les musulmans s’acheva par une si lourde défaite que toute la tribu fut capturée par les musulmans. Le Prophète (ﷺ) épousa alors Jouwayriya pour éveiller chez les musulmans les sentiments de noblesse et d’humanisme. Voyant que leurs captifs devinrent les beaux-parents du prophète (ﷺ), les musulmans remirent toute la tribu en liberté. Cette action humaniste poussa tous les Banou al-Moustaliq à embrasser l’islam.
Des raisons législatives
Les arabes avaient pour habitude d’interdire au père adoptif d’épouser la femme répudiée par son fils adoptif. Le Coran est venu abolir cette tradition d’une manière pratique en ordonnant au Prophète (ﷺ) d’épouser Zeyneb bintou Jahsh, que Dieu l’agrée, la femme répudiée par son fils adoptif Zeyd ibn Haritha, mettant par la même occasion un terme au système d’adoption pratiqué chez les arabes.
Par conséquent, nous pouvons arriver à la conclusion suivante : le Prophète (ﷺ) s’est marié de deux façons. En effet, Mohammad, l’homme, épousa par choix une seule femme qui est Khadija. Et Mohammad, le Prophète (ﷺ), épousa plusieurs épouses pour des raisons sociales, éthiques, humanistes et stratégiques, toutes liées à sa mission prophétique.