Le présent texte vise à répondre à la controverse présentant l’islam comme une religion violente, une religion sanguinaire, prêchée par un homme sanguinaire.
Pour répondre à cette accusation infondée, il suffit tout d’abord de demander aux auteurs de ces controverses d’apporter une preuve historique authentique établissant d’une manière formelle que le Prophète (ﷺ) aurait usé de cruauté à l’encontre de ses ennemis, ce que nul n’a fait et ne fera pour la simple raison que cette preuve n’existe pas. Ils se contentent d’inventer des accusations par pur mensonge et par pure animosité.
Méditons ensuite les événements de l’ensemble de la vie et des œuvres du Prophète (ﷺ) (Sira), ils sont à même de déconstruire ces allégations.
Un homme sanguinaire dirait-il à ses hommes : « Ne souhaitez pas la rencontre de l’ennemi, implorez plutôt de Dieu la sauvegarde » ? (rapporté par al-Boukhari et Mouslim).
Lors de la Bataille de Khaybar (la cause de cette guerre étant que Khaybar avait créé un front avec les tribus de Ghatafan pour attaquer Médine), le Prophète (ﷺ) confia l’étendard à ‘Ali ibn Abi Talib (ﷺ) qui lui demanda alors : « Ô Messager de Dieu ! Dois-je les combattre jusqu’à ce qu’ils soient comme nous ? » Le Prophète (ﷺ) dit : « Avance doucement jusqu’à atteindre leur place. Puis appelle-les à l’islam, car par Dieu, si Dieu guide l’un d’eux par ton biais, cela sera mieux pour toi qu’un troupeau de chameaux roux » (rapporté par Mouslim).
Est-ce là l’attitude d’un chef de guerre sanguinaire qui veut imposer sa religion par la force ?
Lors de la conquête de la Mecque, les musulmans y trouvèrent à leur arrivée des personnes qui les combattirent, les torturèrent et les chassèrent de chez eux. Le Prophète (ﷺ) subit le même sort. S’il avait été sanguinaire, il les aurait exterminés. Mais il donna, au contraire, l’ordre de ne combattre que ceux qui les combattraient. Puis, le Prophète (ﷺ) s’adressa aux gens en ces termes : « Ô vous peuple de Qouraysh, que pensez-vous que je vais faire de vous ? » Ils dirent : « Que du bien ! Tu es un noble frère, fils d’un noble frère ! » Il dit : « Je vous dis ce que Youssouf a dit à ses frères : « Point de récrimination contre vous aujourd’hui ! Que Dieu vous pardonne. C’est Lui le plus Miséricordieux des miséricordieux, allez en paix, vous êtes tous libres ! » (Ibn Hisham et al-Bayhaqi).
Un homme du nom de Foudala ibn ‘Oumeyr se présenta au Prophète (ﷺ) à l’affût du moment opportun pour l’assassiner. Le Prophète (ﷺ) l’observa et décela son intention. Pourtant, il n’éprouva à son encontre aucune rancœur. Bien au contraire, il l’appela et lui dit : « À quoi pensais-tu ? ». Foudala dit : « A rien ! J’invoquais Dieu ! » Le Prophète (ﷺ) rit alors et lui dit : « Implore plutôt le Pardon de Dieu ». Puis, il fit preuve de douceur à son égard et posa sa main sur la poitrine de Foudala. Foudala dit : « Avant qu’il ne lève sa main, il est devenu l’être que je chéris le plus » (Ibn Hisham). Est-ce là l’attitude d’un homme sanguinaire ?
En vérité, l’islam, souvent associé à la violence, n’a recours au combat qu’en cas d’extrême nécessité, afin de repousser les agressions extérieures. L’islam favorise la paix et non la guerre. A maintes reprises dans le Coran, Dieu rappelle aux musulmans Ses bienfaits en leur épargnant le combat : « C’est Lui qui dans la vallée de la Mecque a écarté leurs mains de vous, de même qu’Il a écarté vos mains d’eux » (La victoire éclatante : 24).
Lors de l’épisode du pacte d’al-Houdaybiya, Dieu révéla : « En vérité, Nous t’avons donné une victoire éclatante » (La victoire éclatante : 1). Dieu fit de ce pacte pacifique une victoire bien qu’il n’y ait eu aucun combat. ‘Omar, que Dieu l’agrée, dit d’ailleurs au Prophète (ﷺ) : « S’agit-il d’une victoire, ô Messager de Dieu ? » (rapporté par Mouslim) car il ne pouvait concevoir une victoire sans combat.
De même, lorsque la bataille des coalisés (les coalisés étaient formés d’un grand nombre des tribus arabes venues attaquer Médine pour exterminer les musulmans) s’est achevée sans combat, Dieu rappela aux musulmans ce bienfait en disant dans le Coran : « et Dieu a épargné aux croyants le combat » (les coalisés : 25).
Tout ceci démontre que l’islam préfère la paix au combat. Comment peut-on alors qualifier le Prophète (ﷺ) de sanguinaire, et comment qualifier les musulmans de sanguinaires ?
Une question légitime s’impose alors : quels sont alors les mobiles permettant le recours au combat en islam ?
L’islam n’a pas inventé la guerre. La guerre est un phénomène social répandu entre les hommes à travers le temps, comme l’affirment les historiens anciens et contemporains. Ibn Khaldoun dit : « La guerre est une chose naturelle aux hommes, aucune nation ni génération n’y échappe. »
Ceci dit, il importe de préciser que le principal mobile du combat en islam est le fait de repousser les agressions et non pas l’incroyance. L’individu ne peut être combattu pour son incroyance. Il est combattu pour son agression. Pour preuve, les civils ne peuvent être combattus car le Prophète (ﷺ) a interdit de s’en prendre aux femmes, aux personnes âgées ou aux enfants. Il dit : « Ne tuez ni vieillard, ni enfant, ni femme. Ne spoliez pas, et ne mutilez pas » (rapporté par Abou Daoud et al-Bayhaqi). Lorsque le Prophète (ﷺ) vit, après l’une des batailles, une femme parmi les victimes, il dit en signe de réprobation : « Celle-ci ne pouvait pas combattre ! » (rapporté par Abou Daoud et an-Nasa-y).
C’est pour cette raison qu’Ibn Taymiya dit : « La permission du combat pour les musulmans est basée sur la permission du combat chez les autres » [1]. Ibn al-Qayyim dit : « Le combat fut prescrit aux musulmans contre ceux qui les combattaient, pas contre ceux qui ne les combattaient pas » [2]. Les hanafites disent : « L’incroyance en soi n’est pas une cause de combat » [3]. En effet, Dieu dit : « Combattez dans le sentier de Dieu ceux qui vous combattent, et ne transgressez pas. Certes Dieu n’aime pas les transgresseurs » (la vache : 190), « Et s’ils cessent donc, plus d’hostilité, sauf contre les injustes » (la vache : 193), « Quiconque transgresse contre vous, transgressez contre lui à transgression égale. Et craignez Dieu » (la vache : 194), « Autorisation est donnée de se défendre à ceux qui sont attaqués car vraiment ils sont lésés » (le Pèlerinage : 39). Tous ces versets sont catégoriques et non-abrogés car aucune preuve d’abrogation n’a été établie.
Si par la suite, une question est posée au sujet de certains versets tels que : « Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour Dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son Messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent la capitation par leurs propres mains » (le repentir : 29), et « Et combattez-les, où que vous les rencontriez » (la vache : 191), une réponse s’impose, ces versets sont de l’ordre de l’indéfini « moutlaq » et doivent par conséquent être compris à la lumière des autres versets qui limitent expressément le combat au seul mobile de la défense. On ne peut isoler ce genre de versets de l’ensemble des versets limitant la guerre à la guerre défensive.
La défense de l’opprimé au niveau individuel et collectif peut également motiver le combat en islam. Dieu dit : « Et qu’avez-vous à ne pas combattre dans le sentier de Dieu, et pour la cause des faibles : hommes, femmes et enfants qui disent : « Seigneur ! Fais-nous sortir de cette cité dont les gens sont injustes » (les femmes : 75). Les musulmans comprirent ceci et le traduisirent en action. En effet, c’est dans ce sens que le calife Abou Bakr, que Dieu l’agrée, combattit les tribus qui refusèrent de s’acquitter de la Zakat après la mort du Prophète (ﷺ). Par cette action, les musulmans devinrent la première nation qui combattit et fit des sacrifices humains pour défendre les droits des pauvres.
Plus généralement, l’islam appelle à combattre toute forme d’injustice, même s’il s’agit de musulmans. Dieu dit : « Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l’un d’eux agresse injustement l’autre, combattez le groupe qui transgresse, jusqu’à ce qu’il se conforme à l’ordre de Dieu. Puis, s’il s’y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Dieu aime les équitables » (49 : 9). Ainsi, la violence s’oppose à la violence, la force à l’injustice.
En islam, le combat n’a jamais été un moyen d’imposer la religion ou de convertir les cœurs. Le Prophète (ﷺ) n’a jamais cherché à convertir les gens par la force du glaive, mais par la conquête des esprits et des cœurs. D’ailleurs, la prise de la Mecque, était en réalité une libération politique. En effet, le Prophète (ﷺ) n’a pas imposé l’islam aux habitants de la Mecque. Il a laissé le choix aux Mecquois pour que la foi se fraye son chemin vers les cœurs par la persuasion et la conviction. Sans même attendre leur conversion, le Prophète (ﷺ) dit aux mecquois vaincus : « « Pas de récrimination contre vous aujourd’hui ! Que Dieu vous pardonne » (12 : 92), Allez, vous êtes libres ! ». Il n’a pas puni ceux qui ont fondu en larmes en voyant leurs idoles se faire briser. Par conséquent, ce que les musulmans ont imposé à la Mecque, ce n’est pas la « foi », mais la « libération » du pays confisqué par les idolâtres depuis huit ans.
Ruth Cranston a écrit :
« Muhammad (ﷺ) n’a jamais instigué la guerre. Il a toujours combattu en légitime défense. Il a combattu afin de survivre… et il s’est battu avec les armes, selon l’usage de son temps… Certainement aucune nation chrétienne de 140 millions d’habitants qui élimine aujourd’hui (elle écrivait ceci en 1949) 120 000 citoyens sans défense avec une seule bombe ne peut censurer un chef qui n’en a tué au plus que cinq à six cents. Le nombre de personnes tuées par le Prophète d’Arabie (ﷺ) en ce septième siècle ténébreux et sanguinaire semble tout à fait puéril comparé avec ce 20ème siècle avancé et éclairé – pour ne pas mentionner l’hécatombe de l’Inquisition espagnole ou encore les croisades, où des guerriers chrétiens écrivaient fièrement qu’ils « pataugeaient » jusqu’aux chevilles dans le sang des infidèles musulmans. »[4]
Par ailleurs, la meilleure réponse à l’idée reçue selon laquelle l’islam se serait répandu par l’épée vient de l’éminent historien De Lacy O’Leary dans son livre intitulé Islam at the cross road : « L’histoire démontre clairement que la légende des musulmans fanatiques parcourant le monde et imposant, à des nations conquises, l’islam à la pointe de l’épée est l’un des mythes les plus absurdes que les historiens se sont jamais complus à répéter. »
[1] – al-‘alaqat ad-douwaliyya fil-islam (les relations internationales en islam) de sheikh Wahba az-Zouhayli p 26
[2] – Ibid p 26
[3] – Ibid p 101
[4] – Ruth Cranston, World Faith, Ayer publishing, 1949