Le contrat de mariage fait partie des contrats les plus importants dans la mesure où il a comme effet la constitution d’une nouvelle famille au sein de la société, la naissance d’enfants ainsi que des droits et des devoirs relatifs à chacun des deux époux.
Et puisque chacun des deux époux est une partie contractante, le Législateur a lié la conclusion du contrat à leurs personnes et la validité du contrat à leur consentement mutuel.
Ainsi, il n’a pas octroyé au père ni à un autre une tutelle coercitive sur la femme la contraignant au mariage contre son gré.
Au contraire, il lui a accordé le droit absolu d’accepter ou de refuser celui qui la demande en mariage. Ibn ‘Abbas (ra) rapporte qu’une jeune fille vint trouver le Prophète (r) et lui raconta que son père l’avait mariée contre son gré. Le Prophète (saws) lui donna alors le droit de choisir[1].
Les autres textes prophétiques viennent confirmer ce droit pour la femme. Le Prophète (saws) dit : « On ne peut marier une jeune fille (qui n’a jamais été mariée) sans sa permission, ni une femme qui l’a déjà été, sans son consentement explicite »[2], il dit aussi : « Quant à la jeune fille (qui n’a jamais été mariée), son père lui demande permission »[3].
Par ce fait, l’islam a fait en sorte que le contrat de mariage soit fondé sur l’affection, la tendresse, la bonne compagnie et l’amour.
Dieu dit : « Et parmi Ses signes, Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous viviez en tranquillité auprès d’elles et Il a mis entre vous de l’affection et de la bonté » (30 :21).
Or, habituellement, il est impossible de concrétiser ces nobles objectifs par le biais d’un mariage forcé.
Mais, puisque la femme – malgré la volonté indépendante que l’islam lui a octroyée – peut être exposée à la convoitise et à l’abus des profiteurs, l’islam a accordé au consentement de son tuteur une grande considération qui correspond à l’importance de ce contrat.
Cela a un impact positif sur la nouvelle famille, et permet d’entretenir les liens de parenté entre la fille et ses parents, contrairement au cas où elle se marie sans leur consentement. Cela provoquera la rupture et le désaccord, et engendrera l’effet inverse de l’objectif de ce contrat.
Bien qu’il n’existe aucune divergence entre les savants sur le fait que le consentement du tuteur de la fille est meilleur et préférable, ils divergent néanmoins sur le fait de considérer ceci comme une condition de validité du contrat de mariage.
- La majorité des jurisconsultes « fouqaha » estiment que le consentement du tuteur de la femme est une condition de validité du contrat sans laquelle il ne peut être valable et ce, conformément au hadith : « Toute femme qui se marie sans la permission de son tuteur, son mariage est nul »[4], et le hadith : « Point de mariage sauf avec un tuteur »[5].
- Quant aux hanafites, ils estiment que le consentement du tuteur n’est pas une condition en se référant à plusieurs preuves dont le hadith rapporté par Mouslim et les auteurs des « sounan »[6]:
« Une femme qui a déjà été mariée est plus à même de disposer de sa personne que son tuteur. Quant à celle qui ne l’a jamais été (bikr), on doit lui demander sa permission : son silence en tiendra lieu ».
Ils considèrent que les hadiths exigeant le tuteur concernent la fille impubère. Ils disent : « Si la femme pubère jouissant de ses capacités mentales se donne elle-même en mariage, son mariage est valide s’il remplit les autres conditions. Cependant, il appartient à son tuteur de se plaindre au juge pour demander l’annulation du contrat si elle s’est mariée avec quelqu’un qui ne lui est pas compatible (kouf-oun), et le juge se doit de répondre à sa requête s’il constate cela. »
Le Conseil recommande aux femmes de ne pas passer outre leurs tuteurs car ces derniers tiennent à leur intérêt, s’emploient à les marier avec des vertueux, et les protègent contre les tromperies des mal intentionnés.
De même, le Conseil recommande aux pères de faciliter le mariage de leurs filles, de les consulter au sujet des prétendants qui souhaitent se marier avec elles, sans exercer aucun abus de pouvoir. Qu’ils aient à l’esprit la parole du Prophète (saws) : « Si quelqu’un dont vous agréez la religiosité et le comportement vient à vous, alors mariez-le. Si vous ne le faites pas, se produiront sur terre une tentation et une grande corruption »[7].
Le Conseil recommande aux centres islamiques de tenir compte de ce qui précède, car cela est plus sûr et plus sage, sauf si la femme ne trouve pas de tuteur, auquel cas, le centre islamique sera son tuteur dans les pays où il n’y a pas de juridiction musulmane. Par ailleurs, le Conseil estime que si la femme pubère et jouissante de ses capacités mentales se marie sans tuteur avec un homme dont la religiosité et le comportement sont satisfaisants, son mariage est valide.
Traduction des conclusions de la Fatwa émise par le CEFR
(Décision 3/4)
[1] Hadith authentique rapporté par Ahmed (2469), Abou Daoud (2096), an-Nasa-y dans « as-sunan al-koubra » (5387) et Ibn Majah (1875) d’après ‘Abdoullah ibn ‘Abbas, jugé « valide-sûr » par Ibn al-Qattan et Ibn Hazm, « fort » (qawiy) par al-Khatib al-Baghdadi, Ibn al-Qayyim et Ibn Hajar.
[2] Rapporté par al-Boukhari et Mouslim (4843, 6567, 6569), Mouslim (1419) d’après Abou Hourayra.
[3] Rapporté par Mouslim (1421/68) et al-Bayhaqi dans « as-sunan al-koubra » (7/110) d’après Ibn ‘Abbas.
[4] Rapporté par Ahmed (6/47, 66, 165), Abou Daoud (2083), at-Tirmidhi (1102) et Ibn Majah (1879) d’après ‘Aïsha, jugé « bon
(hassan) par at-Tirmidhi, « valide-sûr » (sahih) par Ibn Hibban (4074) et al-Hakim (2/168)
[5] Rapporté par Ahmed (19518, 19710, 19746), Abdou Daoud (2085), at-Tirmidhi (1101), Ibn Majah (1881) d’après Abou Moussa a
Ash’ari. ‘Ali ibn al-Madini, le cheikh d’al-Boukhari, l’a jugé « valide-sûr » (sahih). Hadith jugé « fort » (qawiy) par al-Boukhari, at-Tirmidhi, al-Hakim, al-Bayhaqi et autres.
[6] Abou Daoud, at-Tirmidhi, an-Nasa-y et Ibn Majah
[7] Rapporté par Yahya ibn Ma’in dans son « tarikh » (3/40), al-Boukhri dans « al-kouna » (p 26), at-Tirmidhi (1085) et autres d’après Abou Hatim al-Mouzani. At-Tirmidhi l’a jugé « hassan » (bon).