Deux questions :
- Est-il permis à la femme de prendre la pilule contraceptive en continu pour ne pas avoir de règles afin de pouvoir accomplir les rites du Pèlerinage dans leur totalité ?
- Une femme qui se trouve en période de menstrues avant d’accomplir le tawâf d’al-ifâda et qui craint que son groupe ne parte (avant la fin de ses règles) : que faire dans ce cas ?
Réponse de shaykh Yûsuf al-Qaradâwî :
Concernant la femme qui prend la pilule contraceptive pour ne pas avoir de règles pendant le Pèlerinage, il n’y a en cela aucun mal, car le principe dans les choses et les actions est la licéité tant qu’il n’y a aucune interdiction émanant de la législation, ce qui est le cas ici. Cette question revient également concernant le Ramadan au sujet des femmes qui prennent ce genre de pilules pour pouvoir jeûner tout le mois et assister aux prières de tarâwîh durant tout le mois, il n’y a rien qui interdit cela. Certaines femmes prennent aussi ce genre de pilules pour la ‘Umra pendant le Ramadan pour ne pas être gênées par le cycle menstruel. Tout ce que nous disons est que la prise de cette pilule ne doit pas avoir d’effet délétère sur la santé. Nos anciens savants disaient : « Il appartient à la femme de prendre quelque chose qui arrête le cycle menstruel ou le retarde, mais nous rajoutons, à condition que ceci ne provoque pas de préjudice ». Le Prophète (ﷺ) dit : « On ne se nuit pas et on ne cherche pas à nuire ». L’être humain ne doit pas se faire du mal comme il ne doit pas faire du mal à autrui. C’est pour cette raison que la prise de ce genre de pilules doit se faire après consultation d’un médecin. Ainsi, rien n’empêche la femme de prendre ces pilules lorsqu’elle part pour le Pèlerinage afin de s’assurer de pouvoir accomplir tous les rites sans en ajourner une partie.
Si la femme ne prend pas ces pilules et se trouve en période de menstrues, en principe, si cela s’est produit après la formulation de l’intention d’accomplir la ‘Umra et une fois entrée en état de sacralisation (ihrâm), elle doit attendre la fin de son cycle menstruel puis accomplir la ‘Umra si le temps lui permet d’accomplir le Pèlerinage de type tamattu’[1], sinon elle accomplira le Pèlerinage de type qirân[2]. C’est-à-dire, si elle peut accomplir la ‘Umra avant le neuvième jour de dhû al-hijja, qu’elle le fasse, sinon elle formule l’intention d’accomplir à la fois la ‘Umra et le Pèlerinage. Dans ce cas, les actes accomplis pour un rite suffiront pour l’autre[3].
Et si les règles perdurent alors qu’elle n’a pas accompli le tawâf d’al-ifâda, et si elle attend jusqu’au jour de l’Aïd, le deuxième jour, le troisième et plus – or, elle est naturellement liée ainsi que son groupe à des dates fixes, de telle manière qu’aucun membre ne pourrait rester après son groupe, ni rater l’heure de départ de l’avion – dans ce cas, il lui est permis d’accomplir le tawâf en étant indisposée sans aucune gêne. D’ailleurs, Ibn Taymiya ainsi que son élève Ibn al-Qayyim estiment qu’on ne peut lui imposer, ce que les savants lui imposent, à savoir, l’immolation d’une chamelle pour certains, d’un mouton pour d’autres. Au contraire, les deux estiment qu’elle n’est redevable de rien car elle a accompli ce dont elle était en mesure de faire. D’ailleurs, Dieu dit : « Craignez donc Dieu autant que vous pouvez » (64 : 16), et le Prophète (ﷺ) dit : « Lorsque je vous ordonne quelque chose, faites-le dans la mesure de votre possible », or celle-ci a fait ce qu’elle pouvait.
Par ailleurs, il est notoirement connu que les conditions ne sont plus appliquées en cas d’incapacité. Par exemple, prier debout est une obligation pour la Prière obligatoire, mais en cas d’incapacité, il est permis de prier assis, et si le prieur ne le peut pas, il lui est permis de prier en étant allongé. Le prieur se doit de faire les ablutions. S’il ne trouve pas d’eau, il prie en ayant recours au tayammum, et s’il ne trouve rien pour faire le tayammum, il est considéré comme étant privé des deux sources de purification, dans ce cas, il lui est permis de prier sans ablution, ni tayammum. De même, le prieur doit s’orienter vers la qibla, mais s’il n’est pas en mesure de le faire, Dieu dit : « A Dieu Seul appartient l’Est et l’Ouest, où que vous vous tourniez, la « face » de Dieu est donc là » (2 : 115). Ainsi, en cas d’incapacité, les conditions ne sont plus appliquées. Cet avis (d’Ibn Taymiya et d’Ibn al-Qayyim) est bon et doit être appliqué de nos jours pour celle qui doit partir avant d’entrer dans sa période de pureté rituelle. Elle peut alors accomplir le tawâf en étant indisposée sans aucune gêne.
Texte arabe tiré du livre mi-at su-âl ‘an al-hajj wa al-‘umra wa al-udhiya wa al-îdayn (Cent questions concernant le Pèlerinage, la ‘Umra, le sacrifice et les deux fêtes) de Dr. Yûsuf al-Qaradâwî, p 118 – 119,
Traduit par Moncef Zenati.
[1] Le Pèlerin accomplit tout d’abord la ‘Umra. Une fois celle-ci achevée, il entrera en état de sacralisation le huitième jour de dhû al-hijja pour accomplir les rites du Pèlerinage.
[2] Formuler l’intention d’accomplir à la fois le Pèlerinage et la ‘Umra
[3] C’est-à-dire, le tawâf autour de la ka’ba et le parcours entre as-Safâ et al-Marwa qu’elle aura accompli suffisent à la fois pour le Pèlerinage et pour la ‘Umra. Elle n’aura pas à les refaire deux fois.