Comme cela a été évoqué dans l’introduction, l’imaginaire occidental s’est forgé une image erronée du Prophète Mohammad (ﷺ). Cette image consiste tout d’abord à considérer Mohammad (ﷺ) comme un faux prophète, un antéchrist, un imposteur.
Essayons d’analyser cette controverse d’une manière objective. S’il n’était pas un prophète envoyé de Dieu, pourquoi aurait-il fait tout cela ? Était-il connu pour être un menteur ? Ou ce défaut serait-il apparu soudainement après l’âge de quarante ans ? Menait-il la vie d’un roi ou de quelqu’un qui convoitait la royauté ou le pouvoir ?
L’étude objective de la vie et des œuvres suffit pour déconstruire ce préjugé. Quiconque se défait des idées reçues et prend le temps de méditer la vie de Mohammad (ﷺ) y trouvera certainement des preuves évidentes de la véracité de son message et de sa prophétie.
Quiconque lit la vie du Prophète (ﷺ) ; quiconque l’étudie et en saisit le sens ne peut qu’admettre qu’il ne s’agit guère de la vie d’un menteur, ni de celle d’un imposteur, ni de celle d’un roi ou d’un homme aspirant à la royauté.
La vie du Prophète (ﷺ) n’a rien à voir avec la vie d’un menteur. Le mensonge était à ses yeux le pire des défauts. On ne l’a jamais entendu mentir et si ses détracteurs lui avaient attribué ne serait-ce qu’un mensonge, ils se seraient faits une joie de le répandre pour le discréditer. Mais depuis son jeune âge, il était connu comme étant le véridique et le digne de confiance. D’ailleurs, lorsque Héraclius, l’empereur byzantin, posa des questions extrêmement précises à Abou Sofiane, il lui dit entre autres : « Le soupçonniez-vous de mensonge avant qu’il ne tienne le discours qu’il tient aujourd’hui ? » « Non ! » répondit Abou Sofiane. Puis, Héraclius dit : « Je t’ai demandé si, avant qu’il ne tînt ses discours, vous le soupçonniez d’être un menteur et tu m’as répondu que non. J’ai compris par-là que s’il n’était pas homme à mentir à l’égard de ses semblables, il ne pouvait mentir à l’égard de Dieu. » C’est là la conclusion d’un homme qui analysait les choses d’une manière rationnelle.
Lorsque le Prophète (ﷺ) reçut l’ordre de Dieu de proclamer ouvertement l’appel à l’islam, après trois années de prédication secrète, il monta sur le mont as-Safa et appela toutes les tribus de la Mecque. Il leur dit : « Si je vous disais que des cavaliers sont derrière cette vallée et qu’ils guettent le moment de lancer un assaut contre vous, me croiriez-vous? » Tous dirent unanimement : « On ne t’a jamais entendu mentir. » Cela prouve que Mohammad (ﷺ) occupait une place de choix parmi les habitants de la Mecque. Il jouissait de leur estime et de leur confiance, on le qualifiait de « al-amine », le véridique, le digne de confiance. Serait-il rationnellement admissible que celui qui n’a jamais menti de sa vie, selon les témoignages même de ses détracteurs, se mette à le faire après quarante ans de vérité ? Ceci apparaît tout simplement insensé.
La vie du Prophète (ﷺ) n’est pas la vie d’un imposteur ni d’un devin. Il n’était pas de ceux qui prétendaient connaître l’avenir ; de ceux qui prétendaient détenir le pouvoir ou percer les secrets de l’inconnaissable. Le Prophète (ﷺ) ne prétendait rien de tout cela. Il récitait aux gens les versets suivants : « Dis : « Nul de ceux qui sont dans les cieux et sur la terre ne connaît l’inconnaissable, à part Dieu » » (27 :65), « Dis : « Je ne détiens pour moi-même ni profit ni dommage, sauf ce que Dieu veut. Et si je connaissais l’inconnaissable, j’aurais eu des biens en abondance, et aucun mal ne m’aurait touché. Je ne suis, pour les gens qui croient, qu’un avertisseur et un annonciateur » » (7 :188), « Dis : « Je ne vous dis pas que je détiens les trésors de Dieu, ni que je connais l’inconnaissable, et je ne vous dis pas que je suis un ange. Je ne fais que suivre ce qui m’est révélé » (6 :50).
Le Prophète (ﷺ) n’était pas un mage ni un devin. D’ailleurs, il déclara une lutte sans relâche contre la divination et la sorcellerie ; contre ceux qui la pratiquaient et contre ceux qui consultaient les mages et les devins. Lors d’une occasion, une femme chantait alors que le Prophète (ﷺ) écoutait sans s’y opposer jusqu’à ce qu’elle dise : « Et parmi nous un prophète qui sait ce qu’arrivera demain ». Le Prophète (ﷺ) dit alors : « Délaisse ceci, et reprends ce que tu disais ».
Le soleil s’éclipsa le jour de la mort de son fils Ibrahim. Les gens dirent alors que le soleil s’était éclipsé pour la mort d’Ibrahim, fils du Prophète (ﷺ). En effet, pendant la période préislamique, il était d’usage de croire que le soleil ne s’éclipsait que pour la mort d’un grand homme. Si le Prophète (ﷺ) avait été un imposteur, il aurait profité de cette occasion pour asseoir sa notoriété et attribuer à sa personne et à sa famille une marque de sainteté. Bien au contraire, il refusa cela en disant : « Ô gens ! Le soleil et la lune sont deux signes de Dieu, ils ne s’éclipsent ni pour la mort ni pour la naissance de quiconque ».
La vie du Prophète (ﷺ) n’était pas non plus celle d’un roi ou d’un homme convoitant la royauté. Quiconque lit la « Sira » du Prophète (ﷺ) ne peut que constater que sa vie n’était pas celle d’un roi, son mode de vie était loin d’être semblable au mode de vie des rois. Il vivait d’une manière très simple, très humble en dépit des propositions séduisantes faites par les mecquois afin de le pousser à renoncer à sa cause. En effet, Qouraysh délégua ‘Outba ibn Rabi’a qui dit au Prophète (ﷺ) : « Je vais te faire quelques propositions, peut-être choisiras-tu celle qui te convient : si c’est l’argent que tu veux, nous t’en donnerons assez pour que tu sois le plus riche de nous tous ; si c’est la gloire, nous ferons de toi notre chef et nous ne pourrons entreprendre quoi que ce soit sans ton accord ; si c’est le règne, nous te proclamerons roi. » Quel imposteur refuserait de telles offres étant donné que l’objectif d’un imposteur est forcément d’obtenir la gloire ou le pouvoir ? Mais le Prophète (ﷺ), le véridique, fidèle à ses principes, refusa ces propositions.
Les mecquois envoyèrent une délégation chez l’oncle et protecteur du Prophète (ﷺ) Abou Talib pour qu’il demanda à Mohammad (ﷺ) de cesser la diffusion de son message. Ils menacèrent Abou Talib d’un affrontement qui mettrait en péril les tribus de la Mecque. Abou Talib fit alors appeler son neveu et chercha à le convaincre de mettre un terme à ses activités afin de ne pas lui faire supporter ce qu’il ne pourrait endurer. La réponse du Prophète (ﷺ) fut ferme : « Ô mon oncle ! Quand bien même ils me mettraient le soleil dans la main droite et la lune dans la main gauche pour que je renonce à cette cause, je n’y renoncerais pas avant que Dieu l’ait faite triompher ou que je sois mort pour elle. » Une telle détermination ne peut émaner d’un imposteur.
Il était en mesure de vivre dans l’opulence mais il y renonça pour choisir une vie d’ascète, la vie de celui qui a renoncé à ce bas monde. Il vivait en compagnie de ses compagnons comme l’un d’eux. Entouré de ses compagnons dans la mosquée, lorsque l’étranger y entrait, celui-ci demandait : « Qui d’entre vous est Mohammad (ﷺ) ? » car le Prophète (ﷺ) ne s’asseyait pas sur un trône, il s’asseyait à même le sol avec ses compagnons. Il ne portait aucun signe distinctif pour se distinguer de ses compagnons, il n’avait pas de couronne ni les attributs que portaient les rois.
Il réparait ses chaussures de ses propres mains, raccommodait ses vêtements, trayait la chèvre, aidait ses épouses dans les tâches ménagères. Il marchait derrière ses compagnons comme l’un d’eux.
Un homme entra le voir un jour. Lorsqu’il l’aperçut, cet homme se mit à trembler devant la prestance que dégageait le Prophète (ﷺ). Le Prophète (ﷺ) lui dit alors : « Ne te mets pas dans cet état, je ne suis pas un roi. Je ne suis que le fils d’une femme de Qouraysh qui mangeait de la viande sèche à la Mecque. »
Son épouse ‘Aïsha, que Dieu l’agrée, disait : « La lune passait, puis une autre, puis une autre, trois lunes en deux mois, sans que le feu ne soit allumé dans les appartements du Messager de Dieu (ﷺ) (c’est-à-dire qu’elle ne cuisinait rien durant deux mois) ». Son neveu ‘Ourwa ibn az-Zoubeïr lui demanda alors : « Et de quoi viviez-vous, tante ? » Elle dit : « Ô neveu ! Nous vivions d’eau et de dattes. »
‘Aïsha, que Dieu l’agrée, disait : « Le matelas sur lequel le Messager de Dieu dormait était fait de cuir rembourré avec des fibres de palmiers. »
Ses compagnons disaient : « Le Prophète (ﷺ) ne s’est jamais rassasié de pain d’orge pendant trois jours successifs. »
Un jour, ‘Omar, que Dieu l’agrée, entra chez le Prophète (ﷺ), il le trouva allongé sur une paillasse qui laissait des traces sur le corps du Prophète (ﷺ). En guise d’oreiller, il avait sous la tête un sac rempli d’écorces de dattiers. Il regarda dans la pièce, elle ne comportait que trois peaux tannées et une poignée d’orge dans un coin. Il regarda de toutes parts mais ne trouva rien d’autre, il se mit alors à pleurer. Le Prophète (ﷺ) lui demanda : « Pourquoi pleures-tu ? » Il lui répondit : « Et comment ne pleurerais-je pas ? Je peux voir la trace que la natte a laissée sur tes flancs et je vois aussi le peu de choses que tu as dans cette pièce alors que Chosroês, Héraclius et César dorment sur des lits soyeux ! » Le Prophète (ﷺ) dit alors : « Ô ‘Omar ! Ces gens ont reçu leurs bienfaits dans leur vie d’ici-bas. Ne te plaît-il pas qu’ils aient pour eux ce bas-monde et que l’au-delà soit à nous ? »
Tel était le Prophète (ﷺ) et telle était sa vie. Sa vie n’était pas celle d’un menteur ni celle d’un imposteur ni celle d’un roi ou d’un homme aspirant à la royauté. Sa vie était la vie d’un immense Prophète qui fonda une religion, une société, un état fondé sur le monothéisme pur, sur la bienfaisance, sur l’humanisme et sur le savoir, dans lequel il paracheva les nobles caractères, pour faire de cet état un phare qui illumine le monde entier.
Les penseurs occidentaux qui ont pris la peine d’étudier objectivement la vie de Mohammad (ﷺ) ont réalisé que ce ne pouvait être un imposteur. Thomas Carlyle affirme : « Notre hypothèse actuelle, qui soutient que Muhammad (ﷺ), était un imposteur rusé, le mensonge personnifié, que sa religion n’est qu’un tas de charlatanismes et de sottises, commence à sonner faux. Les mensonges tissés autour de cet homme par des fervents bien intentionnés, n’ont apporté que la disgrâce sur nous… Il est temps de tout rejeter. La parole de cet homme a inspiré la vie de cent quatre-vingts millions de personnes ces douze cents ans. Tout comme nous, ces cent quatre-vingts millions de personnes ont été créées par Dieu. Un grand nombre des créatures de Dieu croit, à ce jour, en la parole de Muhammad (ﷺ) plus que toute autre chose.
Devons-nous supposer qu’autant de créatures du Tout-Puissant ont modelé leur vie selon les préceptes d’un chef spirituel insignifiant ? Moi, de mon côté, je ne puis accepter une telle notion. » [1]
Montgomery disait : « La façon dont il accepta les persécutions dues à sa foi, la haute moralité des hommes qui vécurent à ses côtés et qui le prirent pour guide, la grandeur de son œuvre ultime, tout cela ne fait que démontrer son intégrité fondamentale. La supposition selon laquelle Muhammad serait un imposteur soulève plus de problèmes qu’elle n’en résout. Et pourtant, aucune des grandes figures de l’histoire n’est si peu appréciée en Occident que le Prophète Mohammed. » [2]
[1] – Thomas Carlyle, On Heroes, Hero-Worship and the Heroic in History, University of Nebraska Press, 1966, p. 43-44.
[2] – W. Montgomery, Mohammad at Mecca, Oxford, 1953, p. 52.